09.10.2014

La macro, ce n’est pas que pour les fleurs!

Rédigé par:
Chef Nini

09.10.2014

La macro, ce n’est pas que pour les fleurs!

Si vous n’êtes pas spécialement attiré par l’univers de la photo culinaire, peut-être que celui de la macro le sera davantage. La macrophotographie consiste à photographier un sujet de très près, en gros plan, et d’y découvrir une multitude de détails. Les fleurs et les insectes sont les sujets de prédilection des amateurs de macro. Mais il y a tant d’autres sujets qui donnent matière à faire de belles photographies, et notamment dans votre cuisine. J’aime pouvoir m’approcher de très près des aliments que je suis en train de cuisiner. Je me sens tout d’un coup lilliputienne et j’y découvre un autre univers, magique, abstrait, comme je les aime.

Le matériel

Pour se lancer dans la macrophotographie, il vous faudra un objectif dédié qui permet de s’approcher à quelques centimètres du sujet sans que cela gêne la mise au point. On appelle d’ailleurs cette distance, la distance minimale de mise au point, que l’on peut connaître dans les informations techniques de chaque objectif.

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Sur cette photo, un objectif macro 60 mm f/2.8. C’est un objectif EF-S qui s’adapte uniquement aux reflex avec capteur APS-C. Il correspondrait à un 90 mm sur un capteur full-frame.

Si vous ne souhaitez pas investir tout de suite dans un objectif macro, il existe des solutions alternatives.

Il y a d’abord les bonnettes que l’on visse sur l’objectif comme un filtre et qui se comportent comme une loupe. Elles permettent ainsi de pouvoir grossir son sujet.

Il existe également les bagues allonges qui viennent se placer entre le boîtier et l’objectif. Les bagues sont des anneaux de plastique d’épaisseurs variables qui vont servir à éloigner l’objectif du capteur. Ainsi, on peut se rapprocher un peu plus et obtenir un agrandissement très intéressant de son sujet.

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Voici trois bagues allonges de différentes épaisseurs. Comme vous pouvez le voir à droite, elles ne comportent aucun verre optique.

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À gauche, mon appareil photo combiné à son objectif 60 mm. À droite, j’ai ajouté entre les deux une bague allonge.

Sur un appareil photo compact, il existe une fonction macro symbolisée par une petite fleur. Référez-vous à votre mode d’emploi pour la trouver.

Autre matériel à avoir pour ce type de photo : un trépied, pour éviter tout flou de bougé. En effet, plus vous vous approcherez de votre sujet, plus vous aurez besoin de fermer le diaphragme pour garder une profondeur de champ suffisante, et plus vous aurez besoin de compenser le manque de luminosité en augmentant le temps de pose.

J’en profite pour vous donner un conseil technique : abandonnez la mise au point automatique pour faire vous-même la mise au point. En étant aussi près de son sujet, l’objectif a tendance à avoir des difficultés lorsqu’il s’agit de cibler un détail. Placer au bon endroit la zone de netteté se joue parfois à quelques dixièmes de millimètre. Il est donc préférable d’utiliser la mise au point manuelle pour être le plus précis possible. Une mise au point ratée donnera une photo ratée.

La lumière

Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir photographier ce sujet-là en gros plan ? Quel a été le déclic photographique ? Sa texture, sa transparence, ses reflets, ses couleurs, etc… ?
Une fois que vous savez “pourquoi”, vous allez chercher “comment”. Comment révéler la beauté de votre sujet ? Tout est une question de lumière, comme toujours en photographie !

Placez-vous près d’une source lumineuse (fenêtre, porte, baie). Vous allez devoir jouer avec la lumière, peut-être encore plus que d’habitude. Rapprochez-vous de votre sujet pour l’observer. Regardez bien ses détails. Tournez autour de lui et notez les changements que vous remarquez. Voyez comme la façon dont vous placez votre sujet par rapport à la lumière donne des résultats très différents ?
Je distingue deux lumières principales en intérieur : la frontale et la latérale.

La lumière frontale, ou contre-jour, va non seulement donner du relief à votre aliment mais elle va surtout servir à révéler les surfaces brillantes, baignant ainsi ces zones, de lumière. Elles se caractérisent sur la photo par une décoloration complète de la couleur d’origine de l’aliment, devenue blanche.
Aussi, si vous souhaitez photographier un aliment à l’aspect humide, le contre-jour reste un choix judicieux s’il permet tout de même de mettre en valeur son relief et sa couleur.
Si le contre-jour donne un résultat trop prononcé ou trop plat, placez votre lumière de biais à mi-chemin entre le contre-jour et la lumière latérale pour faire varier les effets. Il suffit parfois d’un simple pas sur le côté pour tout changer.

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Photo de gauche : Iso 200 – 1/100s – f/2.8

Photo de droite : Iso 200 – 1/80s – f/3.2

À gauche, j’avais repéré une jolie mûre sans défaut. Pour mettre en valeur sa brillance, le contre-jour me semblait être une bonne idée. La lumière se reflète bien sur chaque grain donnant un joli éclat, tandis que les ombres soulignent leur rondeur. Le support sur lequel est placé le fruit a une importance. L’assiette blanche permet d’apporter par le dessous de la lumière grâce à son reflet.

À droite, j’ai préparé des clémentines confites. J’ai réalisé une séance photo classique pour mon blog puis j’ai mis mon objectif macro. La façon dont le fruit captait la lumière me plaisait beaucoup. Le contre-jour permet d’apporter cette magie qui lui est propre avec une mise en valeur des éclats nacrés dus au confisage du fruit (le fait de le cuire dans du sucre sur plusieurs jours). On a envie de croquer dedans!

La lumière latérale, placée de côté, va donner un modelé avec des effets d’ombre et de clarté plus ou moins prononcés. Cette lumière ne mettra pas vraiment en valeur les reflets mais plutôt les reliefs et la couleur du sujet.

Vous pourrez jouer avec le clair-obscur afin de plonger une partie de la scène dans le noir et de mettre en lumière uniquement le sujet. Pour cela, utilisez un fond foncé – gris, marron ou noir.
À l’inverse, elle permet aussi d’offrir des résultats tout doux. Vous pouvez placer dans ce cas un réflecteur à l’opposé de votre source lumineuse afin de déboucher les ombres. À défaut de réflecteur, prenez une grande feuille de papier aluminium, cela marche aussi très bien.

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Photo de gauche : Iso 200 – 1/160s – f/2.8

Photo de droite : Iso 200 – 1/8s – f/4.5

À gauche, voici l’image d’un chou vert. J’ai placé celui-ci sur un fond sombre, près d’une fenêtre. J’ai photographié à pic une partie du chou. Avec une légère sous-exposition et des retouches post-traitement, j’ai pu plonger dans un clair-obscur mon légume pour souligner la texture de ses feuilles.

À droite, un autre chou, romanesco celui-ci, reconnaissable par sa forme si particulière. La lumière placée à gauche met tout de suite en relief ses fleurettes pyramidales. J’ai utilisé une contre-plongée pour cette prise de vue, c’est-à-dire que je me suis placée légèrement en dessous de mon sujet afin de bien montrer ses caractéristiques.

Maintenant, il va falloir faire un choix : comment placer la lumière et à quelle distance de votre sujet ? Vous aurez parfois à faire un compromis entre :

  • votre intention photographique : c’est-à-dire ce que vous souhaitez obtenir comme photo (photo douce, contrastée, lumineuse…),
  • et la lumière qui met particulièrement en valeur votre sujet.

Pour concrétiser votre idée de départ, n’oubliez pas de retoucher vos photos. Assombrir les ombres ou les adoucir, ajouter de la luminosité, accentuer un relief, intensifier la couleur, modifier la balance des blancs… N’omettez surtout pas cette étape, votre photo paraîtra aboutie.

Enfin, ne vous arrêtez pas à un seul cliché ! Faites différents tests, vous pourriez être surpris par certains résultats. Changez non seulement l’orientation de la lumière par rapport au sujet, mais bougez également votre corps: un pas à gauche, un peu plus au-dessus, un peu plus à droite…

Que photographier?

Vous êtes en train de cuisiner, quand tout à coup, vous vous arrêtez car vous venez d’avoir une idée, quelque chose a retenu votre attention. Vous arrêtez tout et vous prenez votre appareil photo ! Voilà souvent comment je trouve un sujet : le hasard. Il suffit que je remarque un reflet ou un détail pour que cela m’interpelle. L’idée peut venir sans prévenir.
C’est ce que j’aime avec la photographie. Elle nous apprend à être un peu plus attentifs aux détails de ce qui nous entoure, à reconnaître plus facilement le potentiel photographique d’un sujet. La macrophotographie permet en plus de cela, de mieux voir les petites choses, de montrer ce que l’on ne voit pas toujours à l’œil nu.
De nombreux sujets dans notre cuisine se prêtent à cet exercice. En voici quelques exemples pour vous inspirer.

Les textures

Les textures offrent des photographies souvent abstraites. On met ici en avant la surface du produit : rugueuse, duvetée, humide, luisante…
Mais photographier une texture, c’est aussi photographier la couleur. Si la couleur ne sert pas la photo, essayez de passer votre image en noir et blanc pour renforcer les lignes, les courbes, le graphisme.

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Photo de gauche : Iso 200 – 1/125s – f/2.8

Photo de droite : Iso 400 – 1/60s – f/4.5

À gauche, j’ai photographié une pâte à guimauve en cours de réalisation. Sa texture « chewi » me plaisait. Je l’ai mise en forme avec une spatule pour donner ce relief. La photographie brute me semblait fade, la couleur beige clair de la pâte ne rendait pas justice à la matière. Le noir et blanc était donc la bonne solution pour souligner les tracés de la spatule grâce à un jeu d’ombre et de lumière.

À droite, il s’agit de miel recouvrant les parois intérieures d’un verre. La difficulté consistait à obtenir des reflets de lumière malgré l’opacité du verre pour que l’on découvre la texture du miel.

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Iso 200 – 1/60s – f/2.8

On retrouve ici le même chou vert vu plus haut dans l’article mais photographié d’une autre manière. Je me suis approchée d’une feuille dont le contre-jour mettait ses rainures en lumière. On découvre ici les proéminences de la feuille.

Les détails

La macrophotographie, c’est la possibilité de révéler la beauté d’un aliment en mettant en évidence un détail. Un poisson, ce n’est pas très appétissant et pourtant vous pourriez être surpris par l’élégance de ses nageoires ou le reflet « arc-en-ciel » de ses écailles.
Les graines d’une gousse de vanille, le feuilleté d’un croissant, les pépins d’une tranche de kiwi… il y a de nombreuses possibilités. Cherchez dans votre cuisine, votre réfrigérateur et voyez le détail que vous pourriez révéler sur vos prochaines photos!

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Photo de gauche : Iso 400 – 1/160s – f/3.2

Photo de droite : Iso 400 – 1/160s – f/4

J’étais en train de photographier une daurade lorsque j’ai remarqué sa nageoire caudale et sa nageoire dorsale. J’ai donc changé d’objectif pour montrer la délicatesse de l’une (à gauche) et la transparence de l’autre (à droite).

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Iso 200 – 1/50s – f/2.8

Je préparais des chocolats colorés de poudre dorée lorsque j’ai repéré cette tâche d’or situé en coin. J’ai choisi une grande ouverture pour que la zone de netteté se fasse uniquement sur ce détail.

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Photo de gauche : Iso 400 – 1/80s – f/2.8

Photo de droite : Iso 200 – 1/60s – f/3.2

À gauche, mon sujet était une gousse de vanille. Pour une fois, je me suis placée la fenêtre derrière moi, en veillant toutefois à ce que mon corps ne fasse pas d’ombre à la gousse et que la lumière fasse briller les graines. C’est un véritable caviar gourmand qui se révèle sur la photo.

À droite, ce sont des grains de café disposés en vrac. C’est leur aspérité que j’ai souhaité souligner en utilisant un contre-jour et une mise en scène sombre.

Les liquides

Peut-être le sujet qui me plaît le plus et qui offre de multiples possibilités : des gouttes de caramel, de sirop, de l’eau gazeuse, et pourquoi pas dans sa forme solide avec les glaçons.
Les liquides captent merveilleusement la lumière et sont faciles à mettre en valeur. Ils sont un bon moyen pour commencer.

Faites attention à l’arrière-plan et à la surface sur laquelle vous photographiez. Les couleurs entourant votre sujet peuvent venir gêner l’image ou au contraire lui apporter un peu plus de magie.

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Photo de gauche : Iso 400 – 1/80s – f/4

Photo de droite : Iso 200 – 1/60s – f/4.5

À gauche, il s’agit d’une goutte de sirop de fraise. J’ai réalisé plusieurs clichés en changeant ma position pour obtenir des effets complètement différents. Au final, c’est cette photo que j’ai retenue. Cette simple goutte de sirop se transforme ici en une perle nacrée, telle une pierre précieuse.

À droite, j’ai placé un verre d’eau gazeuse sur une table. Je comptais photographier les petites bulles d’air emprisonnées contre la paroi lorsque j’ai remarqué le reflet sur la table. Je me suis finalement reculée de manière à intégrer ces différents éléments pour que le spectateur comprenne ce dont il s’agit.

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Iso 400 – 1/200s – f/2.8

Pour commencer simplement la macrophotographie, prenez une bouteille d’eau, presque vide, dont les parois sont recouvertes de gouttelettes. Approchez-vous, regardez tous les recoins de la bouteille et commencez à faire quelques photos. Vous mettez un premier pas dans le monde magique de la macro. C’est ce que j’ai fait ici.

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Iso 400 – 1/100s – f/2.8

Je termine cet article avec une seconde photo de gouttes d’eau sur une bouteille d’eau. J’ai ajouté à mon objectif macro une bague allonge pour réussir à capter les microbulles de la paroi. L’effet produit me donne l’impression d’avoir photographié la voie lactée avec des milliards d’étoiles.

Vous voilà maintenant avec toutes les clefs pour commencer la macrophotographie dans votre cuisine. Amusez-vous bien !

Je consacrerai le prochain article au post-traitement des images culinaires.

Chef Nini

Française

*Guest Blogger Octobre 2016 pour Manfrotto*
Sous le pseudonyme Chef Nini, Virginie anime depuis février 2008 un blog culinaire du même nom. Elle y partage ses recettes, des articles techniques, des guides d’achat et des tests produits.
Depuis 2011, elle propose ses services de photographe, styliste et créatrice culinaire.

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